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4 juin 2015

[INTERVIEW] Cindy Van Wilder : "Les Outrepasseurs"

Cindy Van Wilder, auteur de la saga "Les Outrepasseurs" (publiée chez Gulf Stream​), m'a fait le privilège et l'immense plaisir de répondre à quelques unes de mes questions sur ses romans. 

Pour retrouver le résumé du premier tome "Les Héritiers" et connaître mon avis, c'est par ici.

"J'ai lu un certain nombre de critiques (dans le sens général du mot, hein, pas en négatif) sur ce premier volet des Outrepasseurs. Certains évoquent les Contes de Grimm comme source d'inspiration de ton univers. Ce que j'ai ressenti également mais je n'ai pratiquement jamais entendu d'avis qui parlent de la réécriture du Roman de Renart (pièce maîtresse de la littérature française et européenne) que tu as faite, et qui est, selon moi, une source d'inspiration aussi importante.

Du coup, quand j'ai lu ton roman, loin d'être une difficulté ou une longueur pour moi, tout le récit du lancement de la malédiction qui se passe au Moyen-âge m'a fasciné ! J’ai retrouvé ce Roman de Renart, ses personnages, leurs caractéristiques. Tu as eu l'audace & le talent d'en faire une réécriture moderne et tout aussi passionnante. Il y a de nombreux détails qui rendent cette époque passée vivante à nos yeux (on se voit là-bas) et en même temps, ta plume rend cette partie très actuelle.

Même les Frères Grimm ont étudié le Roman de Renart, La Fontaine & Molière s’en sont servi de source (en autres, je veux dire. Il y a aussi les fables d’Esope).

Roxane : Comment as-tu choisi cette base littéraire et pourquoi ?

Cindy : Le Roman de Renart est avant tout un souvenir d’enfance. Je possédais plusieurs albums avec de riches illustrations – malheureusement certains ont été perdus depuis, dont celui du Roman de Renart – et je me souviens très bien que je déchiffrais les aventures de Goupil, Ysengrin, Noble et les autres avec grand intérêt. Bien sûr, à cet âge, j’étais trop jeune pour comprendre le message critique que renvoyait cette œuvre, mais en revanche, j’avais bien retenu toute l’ambiguïté offerte par le personnage de Renart, tour à tour héros, mais aussi bourreau. C’est une des premières caractéristiques de ce personnage, c’est qu’il n’est ni gentil, ni méchant, c’est quelqu’un qui utilise tous les moyens à sa disposition pour se tirer des mauvais pas ou pour profiter des opportunités offertes – souvent aux dépens des autres – et c’est fascinant.

Cette référence est restée en sommeil, si je puis dire, jusqu’à ce que l’idée des Outrepasseurs me vienne en tête. Dès le début, j’ai eu envie d’en faire une société secrète, un petit groupe étroitement lié et cloisonné du monde extérieur. Est-ce la figure du renard, qui m’a toujours fascinée ? Ou les personnages de garous ? Quoi qu’il en soit, Le Roman de Renart m’est venu en tête tel un boomerang et depuis, je ne l’ai plus lâché !

Ces textes ont eu des fonctions diverses :

-          psychologiques,

-          transgression de tabous religieux (Dieu est absent, le clergé est méprisé et ridiculisé),

-          le monde des animaux, miroir du monde humain, sert avant tout à critiquer celui-ci.  C'est une satire.  Les auteurs se moquent de tout, montrant partout l'hypocrisie.

Ce sont des choses que j'ai ressentie à la lecture de ton roman mais est-ce des choses que toi, tu as voulu véhiculer, consciemment ?

Absolument ! Comme je le disais plus haut, le personnage de Renart est opportuniste par excellence. Il se joue des codes, n’hésite pas à transgresser les interdits ou à défier les autorités des puissants – avec des résultats divers ! Cet esprit rebelle, frondeur, étonnamment moderne pour l’époque – il ne faut pas oublier que ces histoires sont quand même vieilles de plusieurs siècles !  - j’ai voulu l’insuffler, non pas à un personnage spécifique, mais bien à l’ensemble des Outrepasseurs.

Et surtout, j’ai voulu en même temps leur donner, ce qui n’est pas forcément un trait marquant dans les textes originaux, une bonne dose d’humanité. Bien sûr, les textes formant le Roman de Renart n’avaient pas la vocation de rendre les personnages attachants, ils avaient d’abord pour but de divertir et de critiquer la société dans laquelle ils vivaient, sous couvert des péripéties de Renart. Aussi, si ces personnages sont fascinants dans leur manière d’agir, on ne s’attache pas forcément à eux. Et c’est un écueil que j’ai voulu éviter dans ce premier tome.

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Comment as-tu eu l'idée de mêler ce monde des fés, ce monde féérique à ce monde moyenâgeux ? Y-a-t-il ici aussi une source littéraire identifiée ? (ce n'es pas du tout une critique car tu te sers d'ingrédients de base et tu en fais une réécriture - une histoire toute nouvelle, fascinante et originale - cela ne donne que plus de force à ta plume dans le style et dans le contenu, c'est brillant – comme en cuisine en fait : tu as des ingrédients qui peuvent être communs à deux recettes mais donner un plat simple ou élaboré). Les deux univers d'ailleurs se répondent parfaitement !

Je ne le prends pas du tout comme une critique, bien au contraire J Et oui, bien entendu, j’ai eu plusieurs sources d’inspiration ! D’abord, les contes de fées dans leurs versions originelles, qui sont bien entendu très loin des dessins animés Disney ! Là encore, des histoires qui jouent avec les transgressions, les tabous, qui se déclinent en des couleurs absolument pas destinées aux enfants… On commence seulement à redécouvrir ces textes dans leur état d’origine, si je peux dire, dans leur multiplicité aussi, vu que plusieurs versions ont circulé et parfois de manière simultanée. C’est noir, violent, sombre, sensuel, voire sexuel. Ces textes offrent aussi une étonnante diversité, d’abord par les différentes versions dont je parlais plus tôt, mais aussi par les horizons culturels dont ils sont issus.

Pour revenir à mes sources d’inspiration, des auteurs comme Angela Carter, Ellen Datlow, Tanith Lee, Charles de Lint, Neil Gaiman ou encore les auteurs révélés par la défunte maison Oxymore ont été des points essentiels. Par leurs réécritures, leur imagination, leur plume également, ils offrent un portrait toujours changeant de cette Féérie qui n’en finit pas de nous fasciner.

Et enfin, il y a bien sûr des ouvrages comme ceux de Pierre Dubois ou encore Edouard Brasey, qui demeurent pour moi de véritables ouvrages de référence.

Pour mêler le monde des fés à celui des paysans de Maupertuis, l’idée m’en est d’abord venue par les recherches historiques entreprises : il faut savoir qu’à cette époque, au 13e siècle donc, les seigneurs locaux, faute de main-d’œuvre à proximité, essaient d’attirer sur leurs terres des paysans d’autres régions. L’objectif, c’est le défrichement des forêts, bien plus étendues et touffues qu’aujourd’hui, ou encore l’assèchement des marais. Il y avait là une dualité entre ce monde sauvage, qu’on veut modeler et celui des hommes, qui cherche à se développer, qui m’a tout de suite séduit. Dès lors, quoi de plus logiquement que de l’illustrer entre paysans et fés ?

Parle nous de toi...Quel est ton parcours ? Comment t'es venue l'idée de ce roman ? as-tu toujours voulu être auteur ?

 

Oh, j’ai toujours eu en moi cette idée d’écrire, mais je n’ai vraiment sauté le pas – c’est à dire « aller jusqu’au bout d’un projet et ne pas l’abandonner après dix pages » - que lorsque je me suis impliquée dans la gestion de CoCyclics, un forum d’entraide pour auteurs débutants et amateurs d’imaginaire. Il y régnait – et y règne toujours ! – une telle émulation, un tel enthousiasme que je me suis dit « Pourquoi pas moi ? »

Et hop, l’impulsion pour les Outrepasseurs était née !

Le deuxième déclic, ca a été le NaNoWriMo : un défi mondial lancé chaque novembre, qui consiste à écrire 50 000 mots en 30 jours. Mine de rien, cela oblige à se poser devant son clavier et à remplir le quota quotidien ! Ce qui est une excellente chose pour moi !

Après, il n’y a pas de secret : il faut écrire, écrire et… encore écrire. Mais aussi oser soumettre sa prose à d’autres personnes, recueillir leurs avis, qui, s’ils sont constructifs et détaillés, aide vraiment à progresser ; Se relire, corriger, ne pas abandonner et persévérer dans l’effort. Il faut surtout et avant tout croire en son histoire. Croire en son potentiel, ses personnages, son intrigue. Et s’octroyer le plaisir de la découverte quand on prend la plume, c’est essentiel J

Le Tome 3 est sorti récemment mais je suppose que, comme nous lecteurs, tu souffres aussi d’un hangover ? Que tu n’es pas sortie indemne de cette histoire ? Te faut-il un peu de temps pour assimiler tout ça ou as-tu déjà de nouveaux projets ? Peux-tu nous en parler ?

 

Ah le hangover de l’écrivain, quand il a fini un projet… oui, je connais ! Je l’ai certainement eu quand j’ai terminé les Outrepasseurs 3, pour lequel – fait qui ne m’était pas arrivé auparavant – j’ai versé ma petite larme ! Néanmoins, depuis ce moment (qui est arrivé depuis un certain temps, maintenant, l’écrivain vit en décalage permanent avec ses lecteurs !) j’ai écrit et rendu d’ailleurs à mon éditrice un nouveau roman s’intitulant « Qui, de nous deux ? » et qui est prévu pour publication chez Gulf Stream au printemps 2016. Un univers radicalement différent de celui des Outrepasseurs et je me suis éclatée à l’écrire. 

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A votre tour de prendre la plume : avez-vous lu "Les Outrepasseurs" ? Si oui, qu'en avez-vous pensé ? Si non, avez-vous envie de lire cette saga ? 

Cette interview vous a plu ? Qui souhaiteriez-vous lire en interview prochainement (je ne promets rien, hein) ?

UN IMMENSE MERCI A CINDY POUR CET UNIVERS MAGNIFIQUE QU'ELLE NOUS FAIT PARTAGER DANS SES LIVRES ET ICI. MERCI CINDY AUSSI POUR TA GENTILLESSE, TA GENEROSITE, TON AMITIE.

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